Le Sillon de Talbert est une flèche à pointe libre qui s’étire en direction du Nord-Est sur une distance d’environ 3,2 km et une largeur moyenne de 100 m, avant de s’évaser dans sa partie distale en se recourbant sous la forme d’un crochet adoptant une morphologie en tête d’épingle. Ce cordon est constitué d’un mélange de sable, graviers et galets en proportion variable selon les secteurs, dont le volume est estimé à 1,23 millions de m3. Compte tenu de sa forme générale et de ses dimensions, le Sillon de Talbert est la plus grande flèche à pointe libre de Bretagne et l’une des plus remarquables à l’échelle nationale et européenne. Dans son prolongement, l’archipel d’Olonne forme un ensemble d’îlots granitiques reliés entre eux par plusieurs accumulations de sables et galets (Pinot, 1992) submersibles à pleine mer.
Ce cordon se décompose en quatre unités aux caractéristiques morphologiques et sédimentaires très différentes :
Au Sillon de Talbert s’ajoute un grand nombre d’héritages quaternaires sur l’estran, riches d’enseignement pour la reconstitution des paysages anciens et des paléo-rivages. En arrière du Sillon, l’île Blanche forme l’extrémité distale d’un ancien cordon, vieux de plus de 100 000 ans. Des affleurements de vase et de tourbe holocène, au pied du Sillon, témoignent également de l’existence d’un ancien marais maritime en arrière du cordon actuel. Des structures polygonales reconnues dans ces sédiments fins supposent l’assèchement de ce marais, probablement lors d’une baisse du niveau marin à l’âge du Bronze, il y a 3 000 à 4 000 ans avant aujourd’hui. Les roches, fissurées par le gel intense des périodes glaciaires, constituent également des indices utiles pour comprendre les profondes modifications climatiques qui ont affecté la Bretagne au cours du Quaternaire.
Sur la façade septentrionale de Bretagne, les houles les plus fréquentes sont de secteur nord-ouest. Leur direction résultante est comprise grossièrement entre 300°N et 310°N. La hauteur des houles significatives reste inférieure à 1 m pour 40 % du temps, à 2 m pour 80 % du temps et n’est supérieure à 3 m que pour 6 % du temps. Ici, les conditions de houle sont moins fortes qu’à Ouessant. En effet, les houles océaniques ont déjà subi un début de réfraction sur la plate-forme continentale lors de leur entrée en Manche. Elles ont donc perdu une partie de leur énergie et, à quelques kilomètres de la côte, elles tendent à s’orienter perpendiculairement à la ligne de rivage. Par ailleurs, les phénomènes de réfraction et de diffraction sur l’avant-côte modifient fortement les caractéristiques de houle à la côte. Ces phénomènes sont particulièrement importants sur le littoral du Trégor où une multitude d’îles et d’îlots s’égrènent en avant du rivage.
Un renforcement des conditions de houle est enregistré durant la période hivernale, suivi d’un affaiblissement significatif au cours de l’été. La fréquence accrue des tempêtes durant l’hiver favorise alors la génération de hauts niveaux d’eau sur la flèche par le biais des phénomènes de wave setup et de swash runup. La direction dominante des houles connaît aussi de légères variations saisonnières. Les flux adoptent ainsi une orientation plus méridienne en hiver, tandis que la période estivale se marque par des houles dominantes orientées plus à l’ouest. Toutefois, il est peu probable que ces légères différences modifient les volumes de galets transitant le long du cordon.
Comment se comporte le Sillon de Talbert sous l’influence des submersions de tempête et dans un contexte de pénurie sédimentaire ?
Le Sillon de Talbert est l’une des rares flèches à pointe libre de galets des côtes françaises de la Manche, avec le Hourdel. Des formations similaires existent sur la côte sud de l’Angleterre et peuvent servir d’éléments de comparaison pour le secteur Manche. Le Sillon de Talbert protège de la submersion marine une zone basse située en arrière (presqu’île de Lanroz) et atténue considérablement les vagues incidentes au voisinage de l’archipel de Bréhat. En ce sens, il joue un rôle de protection contre le risque d’érosion et de submersion marine.
Les cordons de galets présentent un comportement morphodynamique original et très différent des plages sableuses. La taille des particules qui les composent induit les caractéristiques suivantes :
Ces caractéristiques sont à l’origine de comportements morphodynamiques particuliers, assez peu étudiés jusqu’à présent, dominés par des épisodes d’overwash suivis de longues périodes de reconstruction (overtopping).
Depuis 2002, la gestion du Sillon de Talbert a été confiée au Conservatoire du Littoral. En 2004, des enrochements datant des années 1970 ont été détruits afin de laisser libre cours aux processus d’évolution naturelle. En 2006, le site a été classé en Réserve Naturelle Régionale en raison de sa particularité géologique. Le suivi topo-morphologique mené depuis 2002 s’inscrit dans une perspective de gestion de l’érosion côtière et de surveillance du Sillon (classé « site remarquable de Bretagne ») en vue d’interventions ponctuelles visant à colmater des brèches ou à procéder à d’éventuels rechargements sédimentaires.
Le Sillon de Talbert présente une très forte mobilité et recule vers l’est à une vitesse moyenne de 1 m/an depuis 1930. Il s’agit d’un des secteurs les plus mobiles du littoral de breton. Le recul du cordon s’effectue essentiellement lors d’épisodes météo-marins particuliers au cours desquels coïncident une forte agitation marine et une pleine mer de vive-eau.
A ce jour, le Sillon de Talbert est le cordon de galets le mieux investigué au monde (Orford, com. pers.). Depuis 2002, il fait l’objet d’un suivi topo-morphologique annuel (à l’exception de l’année 2004) permettant la quantification des budgets et des transferts sédimentaires. Durant sa thèse, Stéphan (2008) a réalisé une série de mesures le long de 6 radiales à une fréquence mensuelle afin d’étudier le rôle des épisodes morphogènes dans l’évolution du profil de plage. A partir de septembre 2012, un protocole strict de mesures topographiques au tachéomètre a été mis en place en deux points du Sillon de Talbert afin de mesurer son évolution le long de deux radiales. La position des laisses de pleine mer a été relevée systématiquement afin d’estimer les niveaux d’eau extrêmes. Ces relevés ont été réalisés à une fréquence hebdomadaire sous des conditions hydrodynamiques variées. En parallèle, deux capteurs de pression ont été installés devant ces deux radiales afin de mesurer les paramètres hydrodynamiques. Les mesures sont effectuées en routine par le garde de la réserve que nous avons formé à la mesure topographique, dans le cadre d’une démarche de science participative.
Les objectifs scientifiques du travail mené sur le Sillon de Talbert sont les suivants :
Producteur | Instrument ou station | Paramètres récupérés | Historique de la mesure |
IFREMER | LIDAR | Topographie | 20/10/2001 |